Activités du Ministre

Suspension d'importations: une économie en devises de 1,5 milliard de dollars annuellement

Suspension d'importations: une économie en devises de 1,5 milliard de dollars annuellement

Source : APS Lundi, 05 Février 2018

ALGER - La mesure de suspension à l’importation de 851 produits devrait permettre à l’Algérie d'économiser un montant en devises de l'ordre de 1,5 milliard de dollars sur une année, a indiqué le ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, dans un entretien accordé à l’APS.

"Nous espérons gagner 1,5 milliard dollars sur une année grâce à la suspension à l’importation des 851 produits comprenant 400 produits industriels dont l'importation avait coûté 1 milliard de dollars en 2016, et 451 produits agricoles et agroalimentaires", estime le ministre.

Concernant les craintes de certains opérateurs quant au risque de voir leurs activités entravées en raison de la suspension de l'importation de certains intrants, le ministre considère que s'il est légitime que ces derniers s'inquiètent, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent savoir que "le but est de les protéger".

"Ceux qui sont en train de contester cette mesure sont ceux qui activent dans des filières que nous avons totalement protégées puisque nous avons interdit l'importation du produit fini. Donc déjà, nous leur avons offert un marché sur un plateau", affirme-t-il.

Plus explicite, M. Benmeradi relève que le problème dans l’économie nationale réside dans le fait que des opérateurs, par méconnaissance de ce qui est produit dans le pays ou pour des objectifs inavoués, préfèrent importer les intrants alors qu'un certain nombre est produit localement.

Selon lui, de nombreux opérateurs ont réalisé des investissements mais sont restés dans l'aval de l'activité et ne remontent pas en amont pour développer les intrants locaux à quelques très rares exceptions.

A ce propos, il cite le cas des premières conserveries de tomates: ces premiers investisseurs ont construit des usines pour la transformation de tomates mais ramenaient le concentré de tomates de Turquie et ne faisaient donc que de la mise en boîte. Mais par la suite, relève le ministre, un certain nombre d'entre eux ont commencé à remonter en amont en travaillant étroitement avec les agriculteurs.

Mais citant l’exemple de la filière boissons, il indique que les producteurs locaux utilisent l’eau comme seul intrant local et considèrent le sucre comme produit national par le seul fait qu’il soit raffiné localement, tandis que le reste des intrants est importé de l’étranger y compris les arômes et les purées de fruits qui sont, pourtant, fabriqués localement.

Par ailleurs, M. Benmeradi fait savoir que son département va lancer une évaluation de l’économie nationale en remontant jusqu'au début des années 2000: "Nous sommes en train de préparer un rapport pour le gouvernement sur la situation du commerce extérieur de 2017 dans lequel nous allons expliquer pourquoi un déficit de plus de 11 milliards de dollars a été enregistré et pourquoi les importations n'ont pas baissé suffisamment. Et puis surtout nous allons faire, pour la première fois, une évaluation de long terme à partir de l'année 2000 et étudier ce qui s'est passé dans l'économie nationale. Nous y allons étudier les raisons qui ont fait que la part de l'économie nationale dans la couverture de la demande nationale n'a fait que baisser".

Citant l'industrie nationale, il observe que lorsque le pays exporte 4 produits industriels, il en importe 100: "Mais comme ça, on va droit au mur".

Très peu d'investissements industriels dans le secteur privé

Interrogé sur la difficulté d'endiguer les importations en dépit des différentes mesures prises durant ces toutes dernières années, M. Benmeradi explique qu’elles sont nombreuses dont, en premier, le système de subventions indirectes et involontaires des importations.

En effet, explique-t-il, avec un taux de change tel qu'il est pratiqué actuellement, "l'Etat est en train de subventionner les importations dans le sens où les importateurs obtiennent, auprès des banques, des devises contre dinars à un prix qui n'est pas réel, c'est-à-dire ne reflétant pas la réelle parité entre le dinar et la devise. En plus, les produits importés sont très souvent subventionnés dans leur pays d'origine. Donc, il est préférable pour les opérateurs nationaux d'aller les acheter à l'étranger que de les produire localement".

La deuxième principale raison de la persistance des importations à un niveau élevé est l’incapacité du secteur industriel privé de réaliser la diversification et de contribuer, significativement, à la couverture de la demande nationale, détaille encore le ministre qui déplore la "très faible" production industrielle du pays.

"Nous avions pensé, pendant très longtemps, que le secteur privé allait faire dans la diversification, mais le gros de ses investissements a été réalisé dans les services et le bâtiment mais très peu dans l’industrie", note-t-il.

Relevant que l'industrie algérienne est restée "basique", M. Benmeradi cite une étude faite par son ministère qui montre que 45.000 opérations d'importations, réalisées en 2017 par les 35 entreprises membres de l'Association des producteurs algériens de boissons, font ressortir un coût d’importation oscillant entre 250 et 300 millions dollars, alors que les exportations de ces entreprises ne dépassent pas les 12 millions dollars.

Dans ce sens, le ministre préconise de travailler, systématiquement, sur la base de la balance devises par filière d'activité permettant une vraie intégration nationale comme est le cas, selon lui, de la filière médicament.

Notant qu'il y a une vingtaine d’année, plus de 95% des besoins nationaux en médicaments étaient couverts par les importations, le ministre rappelle que le gouvernement avait alors décidé de suspendre les autorisations d'importation de médicaments sauf pour la Pharmacie centrale des hôpitaux ou d'autres établissements publics.

Ce dispositif a permis de booster les investissements dans l'industrie pharmaceutique en produisant localement l'équivalent de 2 milliards dollars actuellement contre moins de 2 milliards dollars d'importations, sachant que la demande est de 4 milliards de dollars: "Donc ça s'équilibre".

"Aujourd'hui, nous sommes le pays qui compte le plus d'usines de médicaments dans l'ensemble de la région. Nous avons dépassé la Tunisie, qui nous devançait, ainsi que le Maroc et nous sommes proches de l'Egypte", fait-il valoir.

Interrogé sur sa récente déclaration quant à la levée de la suspension des importations dans 2 ou 3 ans, il indique que cela n’est pas une décision du ministère du Commerce mais qu'elle émane de la loi régissant le commerce extérieur qui prévoit que dans le cas d'un déficit de la balance commerciale, le gouvernement peut prendre des mesures de sauvegarde dont la suspension "provisoire" des importations.

Il ajoute que le décret exécutif sur les 851 produits soumis au régime des restrictions à l'importation précise aussi que les produits concernés sont "temporairement" suspendus à l'importation jusqu'au rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements. Selon lui, d’autres mesures visant à rééquilibrer les deux balances seront prises prochainement.

"La mesure de suspension de l’importation de ces produits permettra de libérer les capacités nationales de production, sachant que la majorité des usines algériennes ne tournaient qu’à seulement 20% ou 30% de leurs capacités réelles car leurs produits, finis ou intrants, n’étaient pas achetés malgré leurs prix très compétitifs", avance-t-il.

C'est le cas, entre autres, des filières de la céramique et des boissons dont les prix proposés des intrants produits localement sont inférieurs à ceux importés, selon le ministre.

Le ministre espère, cependant, qu'une fois ces mesures de suspension levées, les opérateurs ne vont pas retourner aux importations car le véritable enjeu, insiste-t-il, est d'ancrer la culture de consommer national.

"Il faut être conscient qu'il y a le feu à la maison. Hormis la balance commerciale énergétique qui est à l'avantage de l'Algérie, toutes les autres balances sont déficitaires. Le tarif douanier contient 99 chapitres dont 95 sont déficitaires avec tous les pays du monde y compris les pays arabes. Si nous ne faisons rien, dans deux ou trois ans nous n'aurons plus les ressources financières pour importer quoi que ce soit y compris les céréales. Nous avons perdu en trois ans 50% de nos réserves de change, soit 44 milliards dollars", avise-t-il.

Interrogé si cette période de suspension d'importations de produits était suffisante pour développer et diversifier l'outil de production national, M. Benmeradi estime que le pays possède déjà un outil de production mais qui est sous-utilisé et que sa protection, à travers ces mesures de sauvegarde, lui permettrait de monter en cadence: "Il faut que les entreprises locales apprennent à ce qu'une bonne partie des intrants soit produite localement. C'est ce que nous voulons. En créant ce choc (à travers la suspension d'importations), nous allons encourager les entreprises algériennes à développer leur production et à utiliser les intrants produits localement".

Cependant, ajoute-t-il, "nous recevons à la fois des demandes de protection et des demandes de levée de suspension et nous sommes en train de les évaluer pour rajouter des produits et supprimer d'autres. Cette opération est suivie par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia".

A la question de savoir si cette suspension d'importations ne risquerait-elle pas de créer des situations de monopole de producteurs nationaux en l'absence de la concurrence étrangère et au détriment de la qualité, le ministre juge que le pays "vit déjà une situation de monopole qui est celui des importateurs".

Cependant, ajoute-t-il, "nous veillerons, à travers des organismes comme le Conseil national de la concurrence et d'autres instruments, à ce qu'il n'y ait pas de monopole dans ce sens. Dans toutes les filières industrielles, il y a des dizaines d'entreprises algériennes qui y activent. Donc, il y aura certainement de la concurrence. Actuellement, je ne connais pas un secteur où il y a un seul producteur national".

Subventions ciblées: Benmeradi préconise un moyen de paiement assurant la traçabilité 

Le ministère du Commerce préconise, dans le cadre d'un système de subvention ciblée, l'utilisation d'un moyen de payement assurant à la fois la traçabilité et la sécurité, tel le chèque, au bénéfice des ménages concernés, a indiqué le ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, dans un entretien accordé à l'APS.

Interrogé sur les moyens d'identification des familles nécessiteuses qui bénéficieront des subventions ciblées, le ministre précise que le fichier national des personnes physiques nécessiteuses et destinataires de cette subvention sera élaboré avec la collaboration essentiellement du ministère de l'Intérieur et des collectivités locales, de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) et des Directions de l'Action sociale des wilayas (DAS).

"Les subventions seront adressées directement aux personnes concernées.

Les bénéficiaires seront classés par catégories et le montant de la subvention sera proportionnel au revenu des ménages. Les ménages concernés recevront des chèques mensuellement en guise de subventions", avance M. Benmeradi.

Lire aussi: Subventions des prix de l'huile et sucre : Près de 12 milliards de DA entre 2011 et 2017


En fait, poursuit-il, le dossier des subventions "est le plus gros dossier qui est sur la table du gouvernement", ajoutant que "l'intérêt de cette réforme est de mettre de côté le système de subvention généralisée pour aller vers un système ciblé".

Questionné, par ailleurs, sur une éventuelle augmentation du prix du pain telle que réclamée par les boulangers, le ministre soutient que "le pain est un dossier très sensible" et que "l'Etat ne veut pas toucher au prix du pain" mais admet qu'aujourd'hui "nous partageons la même analyse que les boulangers pour dire que la marge bénéficiaire est érodée et qu'il faut trouver une solution".

Dans ce sens, il assure que son département ministériel a élaboré des solutions qui sont en cours d'examen: "Nous avons des solutions sur lesquelles nous avons travaillé dont il s'agit de préserver la marge bénéficiaire du boulanger".

Parmi les solutions envisagées, le ministre cite l'utilisation d'une farine appelée "farine complète" qui permettra aux boulangers d'améliorer leur marge de bénéfice en produisant 20% de plus par quintal en comparaison avec le quintal de farine utilisée actuellement.

Dans ce sens, il fait savoir que son ministère a préparé un dossier sur cette question qui a été transmis au Premier ministre, ajoutant que si cette solution technique sera avalisée, il sera alors procédé à la révision du décret réglementant le taux de trituration.

Par ailleurs, observe-t-il, certains disent que la profession de boulanger est en déperdition, mais la consultation du fichier du registre de commerce montre que le nombre de boulangers augmente d'année en année.

Mais il précise qu'à la différence du milieu urbain où le boulanger peut équilibrer ses comptes en vendant aussi de la pâtisserie dont la marge bénéficiaire est élevée, dans le milieu rural, par contre, cette activité se limite quasiment à vendre du pain.

==Persistance des marchés informels en dépit des opérations d'éradication==

Au sujet de la réapparition de marchés informels après leur éradication malgré la vingtaine de milliards de DA mobilisée depuis 2012 pour leur démantèlement, M. Benmeradi fait valoir que la ténacité de ce phénomène n'est pas due au manque de marchés légaux dont un grand nombre a été créé pour réinsérer les personnes qui activent dans l'informel.

Mais ces intervenants informels, poursuit-il, préfèrent plutôt la clandestinité pour écouler les marchandises sans factures et sans avoir à payer des impôts.


Lire aussi: Benmeradi: un groupe de travail pour l'examen du système de subvention


Selon lui, le tissu commercial légal se compose actuellement de 1.450 marchés de détail se répartissant entre plus de 700 marchés couverts et plus de 700 marchés de proximité.

S'y ajoutent 650 marchés hebdomadaires, 250 marchés à bestiaux, 62 marchés spécifiques, 20.142 superettes, 251 supermarchés, 35 hypermarchés et 9 marchés de gros.

==OMC: "Nous irons à notre rythme"==

Interrogé sur l'évolution des négociations pour l'adhésion de l'Algérie à l'OMC, M. Benmeradi indique que "le dossier est en cours. La demande d'adhésion a été déposée depuis 25 ans. Nous sommes toujours demandeurs, mais nous irons à notre rythme".

Selon lui, les membres de l'OMC veulent tous bénéficier des avantages accordés par l'Algérie à l'Union européenne (UE) dans le cadre de l'Accord d'association, précisant que "cela n'arrange guère l'Algérie".

Il cite, dans ce sens, l'avis d'experts algériens qui disent que "l'Algérie n'aurait jamais dû signer un accord d'association avant d'adhérer à l'OMC".

"Nous irons à l'OMC avec des droits de douanes nuls, tels qu'accordés aux Européens, alors que la Chine, membre éminent de l'organisation, a des filières protégées de 80 à 90%. Il faut donc remettre à niveau notre droit de douane et convaincre l'UE et la ZALE de la nécessité de la démarche", insiste-t-il.

Pour mettre davantage en exergue les contradictions qui existent entre la politique théorique de l'OMC et les pratiques réelles de ses membres, le ministre observe que les Etats-Unis, la Russie et d'autres puissances membres de l'OMC appliquent eux-mêmes des mesures pour protéger leurs  économies.


Lire aussi: Ouyahia: Les subventions publiques seront rationalisées


Pour rappel, l`Algérie a mené 12 rounds de négociations multilatérales qui ont permis de traiter plus de 1.900 questions liées au système économique national.

Le pays a aussi tenu plus de 120 réunions bilatérales avec une vingtaine de pays, qui ont été couronnées par la conclusion de six accords bilatéraux avec Cuba, le Brésil, l`Uruguay, la Suisse, le Venezuela et l’Argentine.

L`Algérie mène encore des discussions avec 19 autres pays membres dont douze avec lesquels les discussions sont à un stade avancé.

Depuis la tenue du dernier round de négociations multilatérales en mars 2014 à Genève, l`Algérie a reçu plus d`une centaines de questions additionnelles qui sont traitées par les différents départements ministériels.

Ces questions portent essentiellement sur la législation algérienne et sa mise en conformité avec les règles de l`OMC.

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